Fréquence de l’infertilité masculine

Si la fécondité ou le fait d’avoir eu un enfant est un fait objectif, la fertilité ou l’aptitude à concevoir est plus difficile à cerner. Le fait pour un homme d’avoir déjà eu un enfant ou d’avoir été à l’origine d’une grossesse même interrompue, ne constitue nullement un gage de fertilité ultérieure. La probabilité de concevoir pour un couple jeune et « sans histoire » ne dépasse pas 25 % par cycle, soit une chance sur quatre. La fécondité humaine est faible par rapport à d’autres espèces ; le délai moyen de conception est d’environ six mois.

Au début, le temps joue en faveur du couple, mais la fertilité s’épuise quand la durée de l’infertilité se prolonge. L’âge va également jouer en défaveur du couple du fait de la réduction bien connue de la fertilité féminine avec celui-ci. Après cinq ans de non-conception, le risque de stérilité vraie pour le couple est très élevé. Il faut donner un certain temps au couple consultant pour infertilité avant de se lancer dans des investigations compliquées, mais il faut savoir agir plus vite si la femme a plus de 30 ans ou 35 ans pour ne pas faire perdre une chance au couple.

Les causes de ces hypo-fécondités 1 sont réparties à peu près de la façon suivante :

Dans 20 % des cas il s’agit d’un facteur masculin prédominant

Dans 39 % des cas de facteurs masculins et féminins sont associés

Dans 33 % des cas il s’agit de facteurs féminins prédominants

Dans 8 % la cause n’est pas déterminée.

En ce qui concerne la fréquence actuelle réelle ou supposée des  infertilités masculines, 3 facteurs pourraient être responsables  de leur augmentation : l’âge du père plus avancé au moment de la décision de faire un enfant, une meilleure détection des infertilités de cause masculine du fait de l’utilisation plus large et plus systématique de l’étude du spermogramme, ou enfin une récente détérioration de la qualité même du sperme.

La fertilité masculine diminue avec l’âge indépendamment de l’âge de la partenaire féminine

Un travail de l’équipe des Docteurs Hassan et Killick a démontré la chute de la fertilité avec l’âge de la femme et de l’homme.
Les femmes de plus de 35 ans mettent deux fois plus de temps  à concevoir que celles de moins de 25 ans.

Les hommes de plus de 45 ans mettent cinq fois plus de temps à concevoir que ceux de moins de 25 ans. L’analyse statistique montre que l’effet de l’âge masculin reste inchangé si l’on prend en compte l’âge de la femme ou la fréquence des rapports sexuels. Si l’homme de plus de 45 ans a une partenaire de moins de 25 ans le temps de conception reste multiplié par quatre.

Le taux de conception chute avec l’âge de l’homme : 78 % des hommes de moins de 25 ans conçoivent dans les 6 mois, contre 58,4 % de ceux de plus de 35 ans. Il semble désormais démontré que l’âge de l’homme intervient indépendamment de l’âge de sa partenaire et que la chute de la fertilité masculine avec l’âge est bien réelle.

Les facteurs individuels de l’infertilité masculine

Influence du tabac
Le tabac diminue la mobilité et la concentration des spermatozoïdes de 22 % en moyenne et de façon dose dépendante, du nombre de cigarettes consommées par jour. De même la morphologie est diminuée et le délai de conception augmente d’environ six mois. L’arrêt du tabac reste un préalable à tout traitement de la fertilité masculine.

Influence de l’alcool
Une forte consommation masculine (supérieure à trois verres par jour) est associée à une diminution significative de la fertilité par le biais d’un doublement du délai de conception. Curieusement cette diminution de la fertilité n’est pas retrouvée chez la femme. Une consommation modérée ne semble pas diminuer la fertilité pour les deux sexes.

Le cannabis
Le cannabis a un effet de type « œstroénique » reproduisant l’action hormonale de l’estradiol (l’hormone féminine) et par conséquent s’opposant à l’hormone mâle, la testostérone.
Ce déséquilibre hormonal en faveur de l’hormone féminine est peu propice à la reproduction et à la sexualité en général. Une gynécomastie, augmentation du volume de la glande mammaire chez l’homme, peut révéler et traduire ce déséquilibre hormonal. La diminution de la quantité de spermatozoïdes chez les consommateurs de cannabis a été retrouvée dans de nombreuses études. Une exposition du sperme à un extrait de cannabis diminue la fertilité des spermatozoïdes les plus compétents, la relation est dose dépendante. Le cannabis inhibe la réaction « acrosomique » située sur la tête du spermatozoïde empêchant la pénétration du gamète mâle dans l’ovocyte. En ce qui concerne les résultats des PMA, une étude a montré que chez les couples dont les deux partenaires avaient déjà consommé de la marijuana une diminution de 19 % du nombre d’ovocytes été retrouvée par rapport au groupe témoin n’ayant jamais fumé. Ces effets délétères sont encore majorés si le couple avait consommé du cannabis l’année précédant la tentative.

Le stress
Le stress a une influence négative plus importante sur la fertilité masculine que féminine. Quelle que soit la nature du stress professionnel ou familial, aigu ou chronique, la production de testostérone chute considérablement du fait d’un accroissement de la sécrétion surrénalienne de cortisone et ou de l’élévation de la prolactine. Il est intéressant à noter à ce propos l’antagonisme entre les hormones sécrétées en cas de stress et l’hormone mâle dont le rôle joué dans la sexualité est primordial. La sexualité est le meilleur anti-stress pour l’homme, et le stress le pire ennemi de la sexualité. Les situations les plus nocives pour l’homme sont celles ou le sujet est mis en compétition réelle ou fantasmée avec un autre mâle qu’il vit comme dominant, comme peut l’être un collègue de bureau tyrannique, par exemple. Des sentiments réels ou supposés de situation bloquée, d’enfermement, le sentiment d’une situation sans issue sont des plus nocifs. Le parcours médical des traitements de l’infertilité constitue à lui tout seul une source de stress importante et de souffrance psychique. Cependant, contrairement à une idée reçue, le stress n’a chez la femme qu’une influence modeste sur la fertilité. Le fait pour une femme « d’y penser constamment » ne change rien aux résultats des PMA. Chez l’homme, au contraire, un événement stressant physique ou psychique peut détruire une lignée spermatique pour trois mois. Ceci explique en partie les différences de qualité spermatique constatée sur des recueils à plusieurs mois d’intervalle.

Les facteurs toxiques professionnels et environnementaux

Au cours du siècle passé, nous avons eu une « empreinte écologique » sur la planète plus profonde que celle de l’ensemble des générations passées. La détérioration de la qualité spermatique est un reflet chiffré de l’action de l’homme sur son environnement. Le spermogramme traduit l’état de santé de l’individu mais également de son environnement et sans doute de la planète entière.
De nombreuses substances ont été incriminées dans l’origine de certaines infécondités masculines. Les effets toxiques sont bien documentés (délai de conception, fausses couches) pour certaines substances comme le plomb, le cadmium, les dérivés mercuriels, le disulfure de carbone (solvant), le dibromochloropropane DBCP et le manganèse. Ces toxiques touchent des hommes travaillant dans l’imprimerie, l’agriculture, la sidérurgie, la céramique.

Les perturbateurs endocriniens

D’autres polluants de l’environnement sont accusés d’avoir fait chuter la fertilité masculine. Il s’agit de perturbateurs endocriniens qui agissent soit en mimant l’hormone féminine soit comme anti-androgène.
Le rôle des perturbateurs endocriniens sont définis comme « des substances exogènes qui interfèrent avec la synthèse, le transport, la liaison, l’action ou l’élimination des hormones naturelles préposées au maintien de l’homéostasie, de l’équilibre, de la reproduction du développement et ou du comportement ».
Par exemple le bisphénol A, œstrogène synthétique utilisé dans le plastique dur transparent de nombreux emballages alimentaires (bouteilles d’eau, biberons, couche protectrice des conserves métalliques) et certains polymères de dentisterie et les phtalates omniprésents dans notre quotidien (cosmétiques, écrans solaires).
Les perturbateurs endocriniens entrent dans le débat général et récurrent des effets délétères de l’environnement sur la santé.
On estime que nous sommes exposés à environ 80 000 molécules chimiques présentes dans notre environnement. Ce chiffre augmente de 1 000 molécules par an. L’exposition à certaines d’entre elles pourrait expliquer des infertilités masculines, des malformations urogénitales et certains cancers du testicule comme le séminome.

Il faut noter cependant que la susceptibilité individuelle sans doute génétique à de tels polluants est des plus variables et imprévisible. L’impression clinique des médecins s’occupant de fertilité est de constater une dégradation progressive de la qualité et de la quantité des spermatozoïdes depuis une dernière trentaine d’années. Cette diminution n’est pas encore prouvée de façon définitive.
Il y a encore peu de temps la fertilité masculine était de fait peu explorée, les résultats des spermogrammes étaient moins bien standardisés. L’hypofertilité masculine est sans doute un problème ancien, mais qui passait inaperçu du fait du centrage des explorations sur la femme uniquement. Un énorme travail reste à faire au plan scientifique pour recenser et évaluer les effets délétères, impossible à ignorer de l’environnement sur la fertilité humaine.
En somme, depuis plusieurs années, des observations épidémiologiques animales et humaines avaient suggéré que des substances à activité œstrogénique ou antiandrogénique pouvaient, en perturbant la balance androgènes/œstrogènes, participer à la physiopathologie de plusieurs affections touchant les deux sexes, le développement, le fonctionnement ou l’oncogenèse de l’appareil de reproduction (risque de cancers génitaux). Se basant sur l’expérience clinique désastreuse du Distilbène® — un médicament qui était prescrit aux femmes enceintes dans les risques de fausses couches dans les années 1970, et qui s’était avéré responsable de cancers génitaux chez les filles et les garçons dont les mères avaient été traitées — une hypothèse a été élaborée impliquant le rôle nocif de ces perturbateurs endocriniens lors de l’exposition fœtale in utero, conduisant à une véritable programmation à distance des pathologies induites. Le développement de modèles expérimentaux récents d’exposition fœtale ou périnatale à ces perturbateurs, a permis non seulement de reproduire plusieurs de ces anomalies chez des animaux adultes, mais également de constater leur pérennité dans les générations suivantes, associées à des modifications épigénétiques, c’est-à-dire une « empreinte», une induction fœtale à distance d’une pathologie, qui se traduit à l’âge adulte par des anomalies durables et transmissibles à la descendance, représentant vraisemblablement une des bases moléculaires de leur transmission.